Echecs et bridge – Légendes de l’esprit
Les échecs et le bridge sont deux sports de l’esprit de premier plan et les principaux représentants de l’un peuvent maîtriser l’autre. Nous avons décidé de savoir s’il était posssible d’établir un lien entre les deux en interviewant Bob Hamman, l’homme qui figure à la première place de la « All Time Open Ranking List » de la Fédération Mondiale de Bridge (WBF), et Ju Wenjun, championne du monde d’échecs.
Bob Hamman, qui êtes-vous ?
Il a grandi en Caroline du Sud. Il a commencé à jouer aux échecs et à différents jeux de cartes dès son plus jeune âge. Avant d’être dans le monde du bridge, il a joué aux échecs à un haut niveau. En 1957, il a remporté le Southern California Open Team Chess Championship avec 3 camarades étudiants de l’UCLA.
Rapidement, il a découvert le bridge et est devenu immédiatement accro. Il a gagné son premier grand championnat national de bridge en 1962. En 1969, il a déménagé à Dallas et accepté l’invitation d’Ira Corn de rejoindre les « Dallas Aces » (les As de Dallas), l’équipe américaine qui dominait le bridge au niveau mondial et était soutenue financièrement par Corn.
La Loi d’Hamman (Hamman’s Law) est l’une des contributions les plus connues de Bob au bridge. Selon cet adage, « si vous devez choisir une enchère, enchérissez 3SA si c’est un choix plausible ».
Il est marié à Petra Hamman, elle-même championne du monde de bridge.
En 1986, Bob a lancé SCA Promotions, sa propre société spécialisée dans les prix à gagner. Au départ, son entreprise se résumait à un bureau de 5 personnes. Aujourd’hui, SCA compte 100 employés, fait 35 millions de dollars de chiffre d’affaires et est basée à Calgary, Londres et Dallas. Bob dit qu’il ne sait pas ce qui fait que certaines entreprises réussissent et d’autres échouent. Enfin, il n’y a pas de mal à aimer son travail ou à être intelligent et à travailler dur.
Ju Wenjun, qui êtes-vous ?
La championne du monde d’échecs est née à Shanghaï et est devenue joueuse professionnelle à plein temps en 2004. En mars 2017, elle a été la 5ème femme à franchir la barre des 2 600 points et elle est la 31ème à détenir le titre de grand maître.
En mai 2018, elle a gagné le championnat du monde féminin face à Tan Zhongyi en un match et en novembre 2018, elle a conservé son titre en remportant le tournoi par élimination directe du championnat du monde féminin. En janvier de cette année, elle l’a défendu dans un match palpitant contre Aleksandra Goryachkina, remportant finalement un tie-break de 4 jeux après une égalité à 6-6.
Bien se préparer à un événement majeur est d’une importance capitale. Bob observe que le bridge est un jeu qui se joue avec un partenaire et que toutes les paires naissent d’un seul événement. Il a toujours été conscient que dans un jeu d’erreurs, il faut mettre l’accent sur le meilleur résultat possible plutôt que sur le meilleur possible résultat. Une paire commence par se mettre d’accord sur les situations rencontrées fréquemment et les autres si besoin. Bob s’est retrouvé assis face aux tout meilleurs joueurs. Parmi les 10 ACBL life masters, il a joué avec ou contre 9 d’entre eux.
Les paires qu’il décrit comme ayant compté dans le temps ont été celles formées avec Ralph Clark, Don Krauss, Lew Mathe, Eddie Kantar, Mike Lawrence, Billy Eisenberg, Bobby Wolff, Paul Soloway, Zia Mahmood, Justin Lall, Roger Lee, Sam Lev, David Berkowitz, Bart Bramley et Peter Weichsel.
Il souligne que les notes de système couvrant les accords pour des situations qui se produisent rarement remplissent les disques durs d’ordinateurs mis au rebut : il y en a 46 relatives à Paul Soloway, 47 pour Peter Weichsel et 52 pour Zia Mahmood. Il a également connu de bons démarrages avec Hemant Lall, Eric Rodwell, Michael Rosenberg, Chip Martel, Mark Lair, John Sutherlin, Ron Von Der Porten, Chris Compton, Vince Demuy, Nick Nickell, Paul Swanson, Petra Hamman et Kerri Sanborn.
Bob indique qu’il a également perdu beaucoup de compétitions avec beaucoup de partenaires. Alors, comment se prépare-t-il ? S’accorder sur les méthodes, travailler les enchères, s’entraîner en jouant des matches si possible, commencer reposé et enfin, se souvenir qu’une fois que le jeu est lancé, discuter des donnes dans tout autre but que de clarifier un accord est une méthode éprouvée pour perdre. Il se rappelle avoir reçu une super carte d’anniversaire. Elle disait : « Oublie le passé, tu ne peux pas le changer ; oublie le présent, je ne t’ai pas pris ça comme cadeau ».
Les joueurs d’échecs jouent contre un seul adversaire mais les champions du monde ont une équipe qui les aide à se préparer. En général, Ju regarde les matchs récents de son adversaire et prépare quelque chose pour le début du jeu, habituellement en lien avec les premiers coups. Elle souligne l’importance de le faire pour comprendre son style de jeu.
Etonnament, les joueurs de bridge ne semblent pas passer beaucoup de temps à observer le jeu de leurs adversaires même si on peut apprendre beaucoup en étudiant les archives des matches sur BBO. Le coach n°1 dans le monde, Eric Kokish, met un point d’honneur à analyser les styles de jeu d’adversaires potentiels avant chaque événement majeur.
L’esprit de compétition
Bob dit qu’il n’a aucun souvenir d’avoir eu l’esprit de compétition avant l’âge de 7 ans. De son côté, Ju affirme qu’elle l’a toujours eu et cherche constamment à s’améliorer et à développer des atouts pour l’aider à gagner ses matches.
Echecs, bridge ou les deux ?
Quand on demande à Bob si un champion dans l’un de ces deux sports de l’esprit peut le devenir également dans l’autre, il répond qu’il serait possible de passer des échecs au bridge, mais seulement si la transition s’effectue quand on est jeune. Passé 30 ans, c’est probablement une cause perdue. Il n’a jamais connu de joueur de bridge en championnat essayer de se reconvertir dans les échecs. Ju pense que ce serait très difficile à cause des différences entre les deux. Selon elle, cela demanderait de travailler très dur et prendrait au moins 10 ans.
Pour ce qui est de la possibilité d’essayer de concilier les deux en même temps à haut niveau, Bob dit qu’il l’a fait pendant un temps mais que les trajectoires allaient dans des directions opposées…
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