Divisions Nationales : troisième weekend de compétition ! (Mise à jour du 15/11)
Bonjour, c’est Luc Bellicaud. Je participe aux Divisions Nationales, souvent abrégée en DN, et serai votre reporter tout du long.
Sommaire :
Présentation des DN – Article du 28 septembre
Retour sur le premier week-end de compétition – Article du 6 octobre
Retour sur le deuxième week-end de compétition – Article du 30 octobre
Retour sur le troisième week-end de compétition – Article du 15 novembre
Présentation des DN
Actualités du 28 septembre 2023
Les DN regroupent les meilleurs joueurs français, qui les apprécient pour leur longueur, qui les rendent très classantes. Pour cette même raison, c’est la compétition la plus prestigieuse du calendrier. Entre les différents échelons, qui vont de la DN1 (la plus haute) à la DN3 (la plus basse), il y a un système de montée-descente. Finir dans les premiers assure une montée dans la division supérieure et inversement.
Pour ma part, je participe à la DN1 pour la deuxième fois consécutive, après avoir gravi patiemment les échelons : j’ai passé quatre ans en DN3, puis deux en DN2 avant d’atteindre la DN1 l’année dernière ; mais évidemment, les tous meilleurs joueurs y sont solidement installés depuis parfois des dizaines d’années !
La DN1, qui sera l’objet principal de mes futurs articles, est constituée de trois week-ends de « round-robin », durant lesquels les 12 meilleures équipes françaises s’affrontent toutes dans des matchs à mi-temps de 18 donnes. Les 4 premières accèdent à la phase finale, qui se joue sur un 4ème week-end dans un format demi-finale – finale.
Forces en présence
La DN1 de l’année dernière a été remportée par une impressionnante équipe Payen, 100 % française, qui a dominé la phase de round-robin avant de réaliser une magnifique performance en finale, en battant largement l’équipe Zimmermann, favorite et récente vainqueur de la Bermuda Bowl pour la Suisse.
Ces deux équipes font bien sûr partie des favoris de cette année, mais la concurrence est féroce ! Je suis quant à moi dans une équipe d’outsiders, qui a fini à la 6ème place l’année dernière avec un retard assez conséquent sur les 4èmes, mais nous espérons bien faire un petit exploit cette année en accrochant le top 4 ! J’aurai l’occasion de vous présenter ma partenaire et mes coéquipiers par la suite. 🙂
Vous pourrez également suivre les deux membres français de la Team Funbridge ce week-end : Margaux Kurek-Beaulieu représentera l’équipe Thuillez en DN3 pour sa première DN, et Léo Rombaut, plus jeune joueur de l’histoire de la DN1, y jouera pour la 3ème année consécutive.
A très bientôt pour le début de l’aventure !
Premier week-end de compétition
Actualités du 6 octobre 2023
Ce week-end, c’était le grand départ de la DN, la plus longue et compétition française par quatre. Vous pouvez retrouver ici la présentation de l’épreuve. Je vous propose dans cet article de vivre le tournoi à travers mes cartes ! Je joue, pour la troisième année consécutive, dans la même équipe : je suis associé à Pierre Schmidt – Stéphane Garcia et Donatella Halfon – Marion Canonne, deux paires très solides qui jouent ensemble depuis longtemps. Ma partenaire est Anne-Laure Tartarin ; même si nous manquons d’automatismes ensemble (nous ne jouons que cette compétition l’un en face de l’autre), nous nous entendons très bien et jouons un style de bridge assez similaire 🙂
Match 1 : Gautret
Nous ne jouons pas la première mi-temps avec Anne-Laure et avons le plaisir d’entrer en scène avec 30 points d’avance, acquis par nos coéquipiers.
Nous affrontons Bernard Cabanes et Eric Gautret, une paire solide qui joue depuis longtemps en DN1 et qui a par ailleurs remporté la DN1 par paires en 2019.
Sur ma toute première donne du tournoi je relève 22 points d’honneurs réguliers :
Bernard Cabanes, à ma droite, ouvre de 2♦ multi vert contre vert (6♥ ou 6♠, faible). Je contre, pour montrer du jeu et mon adversaire de gauche Eric Gautret passe, suggérant de jouer 2♦X. A ma plus grande surprise, Anne-Laure effectue un cue-bid, seule enchère forte à sa disposition. Je sais déjà qu’on est en zone de chelem, toute la question est de savoir lequel ! À ce stade, je ne suis pas pressé et commence par dire 3♥, sans aucun doute forcing.
Après le fit d’Anne-Laure à 4♥, je pose bien évidemment le Blackwood, puis demande la dame d’atout via 5♦. Sur la réponse du 6♣, j’ai désormais la connaissance de la dame ♥ et d’as et roi de ♣, dans une main en zone de manche. Je pense qu’il me manque encore un peu pour imposer seul le grand chelem, et le propose donc via la seule enchère disponible à cet effet : 6♦. Anne-Laure conclut à 7♥ après une petite réflexion.
Bon, ce n’est pas le grand chelem de l’année : Anne-Laure a jugé que ses surplus distributionnels la rendaient favorite pour faire toutes les levées ! Comment emballer cette affaire ?
Déjà, sans les coeurs 3-2, je n’ai aucune chance de gagner : c’est une hypothèse de nécessité. De plus, j’ai besoin d’affranchir mes trèfles, et ne m’en sortirais jamais si un des deux joueurs est singleton. Je commence donc par jouer AR♣ et trèfle et Est défausse rapidement un pique au troisième tour de trèfle. Avec les trèfles 33, j’aurais tablé, mais est-ce que j’ai encore une chance maintenant ?
Oui, si Est est 6322 sans le 10♥. Vu sa défausse pique, c’est très probable, il n’a pas l’air de vouloir surcouper les carreaux ! Je coupe de l’as, joue As de carreau et carreau coupé du 8, trèfle coupé du roi et V♥ et 9♥. Le 10 tombe à ma gauche et je peux croquer mon 9 de la dame et tabler : ouf !
Voilà une belle entrée en compétition 🙂
Les donnes sur ce segment étaient très distribuées et nous les avons plutôt bien négociées, jusqu’à la donne suivante :
La début de séquence est très étonnant :
Que signifie ce curieux cue-bid à 5♥ ? Cette enchère que l’on ne voit pas tous les jours montre un bicolore ♠+mineure extrêmement puissant, puisqu’il impose presque le chelem : Anne-Laure doit avoir un maximum de 2 perdantes dans son jeu. Même si je ne possède 0 points d’honneur utiles, j’ai un très gros fit et les courtes mineures. Je table le chelem en face de ♠ARxxx ♥- ♦ADxxxx ♣Ax par exemple et mon adversaire pourrait également me filer en entamant l’as de coeur si nos mains collent moins bien. Je décide donc de tenter ma chance à 6♠, on verra bien ce qu’on touche au tirage !
Le mort s’étale avec :
Un chelem à très exactement à 0 % sur entame trèfle, mais mon adversaire qui n’a pas la chance de connaître les quatre jeux, entame carreau ! Mon valet pousse à l’as et je peux quasiment tabler ce coup… A moins que l’entameur ait 5♦ et que les atouts soient 0-2, comme dans la donne réelle. Je peux bien défausser mon trèfle sur le carreau, mais il me manque une coupe de la main courte pour gagner le coup. Un comble dans un fit 11ème !
Marion et Dona sortent avec une feuille à la moyenne, et nous ajoutons 20 Imps aux 30 déjà obtenus, pour un score final de 18PV évidemment très satisfaisant.
Match 2 : Setton
Une nouvelle fois, Anne-Laure et moi rentrons en deuxième mi-temps, avec cette fois un avantage de 10 points. Nous affrontons Léo et Jérôme Rombaut, une paire de niveau international dont vous avez sans aucun doute déjà entendu parler !
Malheureusement pour nous, la partie se passe mal : nous avons un « mauvais fond », c’est à dire que l’on voit très bien où l’on pourrait perdre des points mais pas bien où l’on pourrait en gagner…
J’ai notamment chuté ce coup à 4♠ en étant fainéant. La séquence :
Jérôme m’entame du roi de trèfle et Léo fournit petit après une rapide réflexion. Arrive ensuite un retour carreau. Sans trop me méfier, je prends en main et joue pique vers mon as et découvre que Léo possède les trois atouts de sa ligne. Je tente alors de jouer roi de carreau en défaussant un trèfle, carreau coupé, trèfle coupé, carreau coupé. Jérôme défausse et c’est une très mauvaise nouvelle : s’il avait eu 4♦, j’aurais pu remettre en main Léo afin qu’il me livre les coeurs.
Voici la position désormais :
A ce stade, j’aurais du jouer coeur vers le 10, qui me permettait de gagner avec le valet ou le roi placé, mais j’ai maladroitement préféré couper un trèfle. Léo a surcoupé, tiré le roi de pique puis est sorti à carreau : j’ai du lui rendre son roi de coeur. Le roi et le valet de coeur étaient cependant derrière, donc il n’y avait plus rien à faire à ce stade. Mais comment aurais-je du gagner ce coup à 100 % ?
Il fallait en réalité lutter contre les piques 3-0 dès le départ, c’était une hypothèse de crainte. Dans cette optique, je devais commencer par couper un trèfle puis jouer pique vers ma dame sans tirer l’as, ce qui aurait empêché Léo de faire deux levées d’atout. Pas si facile, mais j’aurais du m’appliquer et c’est 10 Imps mérités qui s’ajoutent au compteur adverse.
Nous sortons avec une feuille franchement mauvaise, qui associée à quelques catastrophes chez Pierre et Stéphane nous laisse avec 60 Imps perdus sur la mi-temps, pour un maigrelet gain de 2PV, particulièrement décevant alors que nous étions en tête à la mi-temps.
Match 3 : Rossard
Nous jouons cette fois-ci les deux mi-temps, et nous attaquons avec Anne-Laure la première assez brillamment : je fais une renonce à la 4ème donne en refusant de fournir à l’atout, filant ainsi la partielle via une levée de transfert. Un peu plus tard, Anne-Laure a une hallucination sur ma réponse au Blackwood et nous nous retrouvons à 7♥ avec un as dehors, alors que nous avions fait une bonne séquence pour atteindre 6♥. C’est évidemment frustrant, d’autant plus quand ils se sont arrêté à 4♥ de l’autre côté. Nous perdons d’une bonne vingtaine de points à la mi-temps, le reste des donnes étant relativement plat.
La deuxième mi-temps va en revanche beaucoup mieux se passer pour nous, avec de bonnes partielles ainsi qu’une défense fantôme de nos adversaires à 5♥X alors que notre manche chutait. Mais ce qui a marqué la partie est sans aucun doute cette main, probablement la plus improbable que j’ai vu en bientôt 15 ans de bridge :
Et oui, c’est bien un 8-5 avec 8 cartes dans la majeure 5ème adverse ! Il y a 50 ans, on aurait pensé au psychique à l’ouverture, mais ce n’est plus vraiment à la mode de nos jours… Avec cette main atypique, Anne-Laure a choisi 2♦ (un canapé !), puis a passé le réveil à 3♣ de l’adversaire. Même séquence dans l’autre salle pour une drôle d’égalité : on a laissé jouer un contrat au palier de 3 avec un bicolore 8-5 de 2 perdantes !
Je suis obligé de vous raconter quelques déroulement improbables à certaines tables. Un joueur a passé 1SA et a joué au plus malin, en entamant la dame de carreau pour ne pas révéler la position des coeurs… 5 levées filées en une seule carte !
Un autre est intervenu vulnérable à 2♠ avec ma main (en Sud) et a eu le bonheur de jouer ce beau contrat pour 6 levées de chute !
Enfin, un joueur en Nord qui avait habilement masqué ses coeurs s’est retrouvé au fragile contrat de 5♦X. Après avoir coupé l’entame trèfle, il a joué un sournois 4♥. Le pauvre joueur assis en Est ne s’est pas méfié, a fourni le 2♥ et le déclarant a pu réaliser une expasse ma foi fort étrange, qui lui a permis de gagner son contrat !
Nous gagnons le match assez largement après l’apport d’une feuille stratosphérique chez Stéphane et Pierre, avec notamment quelques coups improbables, dont un historique 4♠ en fit 4-3 🙂
Match 4 : Bridge Plus
Une nouvelle fois, nous sortons pour la première mi-temps avec Anne-Laure, et nos coéquipiers nous placent avec une avance de 10 points. Nous affrontons Arthur Boulin et Théo Guillemin : c’est une paire très solide et fittée de la même génération que moi : nous nous connaissons très bien et avons souvent joué dans les équipes de France jeunes ensemble 🙂 .
La partie est plutôt plate, jusqu’à ce que j’intervienne léger vulnérable, après un passe d’entrée d’Anne-Laure sur l’ouverture d’1♠ adversaire à 2♣, sans jeu mais avec une très bonne couleur, ARV876. Bien mal m’en prend, puisque Arthur dit 2♥ et plus rien n’arrête Théo, muni de ♠ARVX6 ♥ AD7 ♦A8765 : il pose un blackwood d’exclusion à 5♣ avant de conclure à 7♥ sans fioritures en apprenant la présence du roi chez son partenaire.
Anne-Laure entame trèfle, et après avoir réfléchi longtemps, Arthur va trouver une jolie ligne de jeu lui permettant de gagner où que soit la dame de pique, via un double squeeze. L’entame est coupée, puis carreau le roi, trèfle coupé, As de carreau pour défausser un trèfle, carreau coupé et purge des atouts.
Sur le dernier coeur, Anne-Laure doit jeter un pique pour garder son carreau, et je dois pour ma part garder l’as de trèfle. Arthur n’a plus qu’à tirer AR de pique et la dame tombe, où qu’elle soit ! Ce seront les seuls à appeler ce grand chelem dans toute la salle, il faut bien dire que c’est plus délicat après le début 1♠ passe 1SA !
Heureusement pour nous, Anne-Laure nous a vengé à quelques donnes de la fin :
Voici sa main :
Faut-il défendre à 6♠ ? Non, car les adversaires n’ont franchement pas l’air d’avoir la chicane pique d’après le Blackwood, et on a une vraie chance de battre le coup en entamant pique sous l’as, pour donner la main au partenaire afin qu’il nous donne la coupe carreau. C’est ce qu’a fait Anne-Laure, et le plan s’est exécuté à merveille pour une levée de chute.
Telles qu’étaient les cartes, il fallait jouer 6♦. Cela relevait bien évidemment de l’exploit après avoir détecté le fit coeur !
Nos partenaires sortent eux aussi avec une feuille sans éclat et nous nous inclinons finalement d’une dizaine de points, et marquons ainsi 8PV. Nous finissons ainsi le week-end a la 5ème place, avec une moyenne de 11PV par match, un résultat tout à fait honorable.
Pour voir le classement complet à ce stade, cliquez ici.
Je vous donne rendez-vous dans trois semaines pour la suite des événements, à très bientôt ! 👋
Deuxième week-end de compétition
Actualités du 30 octobre 2023
Match 5 : Zimmermann+9
Après un départ correct, lors du premier week-end, nous pointons à la 5ème place du classement et affrontons l’épouvantail de la compétition, l’équipe Zimmermann. Ce week-end, cette dernière ne joue qu’à quatre puisque la team Zimmermann, qui comporte une dizaine de joueurs, joue à la fois la première division française, polonaise et néerlandaise. Quand ces différentes épreuves se déroulent en même temps, ils ne peuvent donc plus présenter 6 joueurs en France !
Parmi les 4 sur la ligne de départ, 3 d’entre eux ont été champions du monde cet été, et à ce stade de l’épreuve elles sont les paires n°1 et 2 au Butler – le classement qui répertorie les performances des paires dans la globalité de la compétition. Autant vous dire que nous ne partions pas favoris ! Au passage, l’intégralité du match est retransmis sur BBO.
Nous entrons en deuxième mi-temps avec Anne-Laure en étant menés de 18 Imps (à la mi-temps), après une partie tout à fait correcte de nos coéquipiers qui n’a pas particulièrement bien tourné.
Le début du match ne se passe pas très bien, nos adversaires appellent et gagnent leurs manches et font très correctement chuter les nôtres. Mais l’embellie va finir par arriver sur deux donnes consécutives :
J’ai la main suivante :
Mon adversaire de droite, qui avait déjà manifesté une certaine envie de parler au tour précédent, décide de mettre le nez à la fenêtre en réveil sur 2♥. Ma main est exceptionnelle défensivement, avec 4 bons piques, deux levées de trèfles, mais aussi un doubleton carreau qui laisse présager des carreaux en opposition chez Anne-Laure. Je contre sans trop hésiter et encaisse deux levées de chute vulnérables.
Deux donnes plus tard, Gawrys préfère ne pas entamer sa 5ème nommée, par ADV54, pour ne pas livrer le roi connu chez le déclarant. Son partenaire ayant un as et la répartition des cœurs étant 3-3, ce n’est pas un franc succès pour lui.
Ces deux coups nous permettent de ressortir avec une feuille correcte à défaut d’être bonne, le fond étant vraiment mauvais. Malheureusement, la partie s’est très mal passée pour Stéphane et Pierre de l’autre côté et nous ressortons de ce match avec deux maigrelets PV.
Au passage, nous découvrons la nouveauté du week-end : nous avons désormais accès aux diagrammes, résultats et Butler sur le site de la FFB. Je vous posterai donc désormais le lien vers le détail de chaque match : Match 5 – Zimmermann
Match 6 : Dupuis
Pour ce deuxième match du samedi, nous affrontons l’équipe Dupuis, une équipe de milieu de tableau que l’on attend ni dans les 4 premiers ni à la lutte pour le maintien. Ils pointent d’ailleurs actuellement à la 8ème place du classement.
En 1ère mi-temps, nous affrontons la paire Xavier Dupuis – Thibault Charletoux. Je joue contre eux assez régulièrement en division nationale par paires mais ne les connais pas vraiment.
Les deux gros coups de la mi-temps vont avoir lieu sur la première et la dernière donne. Voici la première, où voici ma main :
Et voici la séquence d’enchères :
Sur mon entame de l’as de carreau, Anne-Laure fournit le 4 et le déclarant le 5. Que rejouez-vous ?
Tout d’abord, analysons la couleur d’entame : le 4 de carreau est une carte particulièrement illisible, qui peut provenir de 43, D4, D94 ou D943. On ne peut pas dire que cela m’avance beaucoup ! Maintenant, passons aux enchères : le déclarant est marqué avec une dizaine de points et une enchère non évidente de 4♣. Il a donc sûrement une majeure qui n’est pas 4ème, avec typiquement une main 3415, ou alors les deux majeures 4èmes mais pas de singleton (4423). La situation m’a l’air plus critique dans le premier cas, où il me paraît pertinent et assez peu risqué de jouer atout.
C’est un jackpot sur la donne, puisqu’après les 3 tours d’atouts distribués par Anne-Laure le déclarant ne peut plus revenir pour encaisser ses trèfles. -4 !
Et voici la dernière donne, où je vais tenter une enchère non répertoriée :
Que signifie ce mystérieux surcontre ? A vos claviers ! Je suis allé récolter des avis, et ils ne sont pas unanimes : certains pensent que c’est du jeu sans enchère naturelle disponible, d’autres l’as de trèfle troisième pour jouer les SA de la bonne main. Enfin, les moins imaginatifs, dont je fais partie, pensent que c’est pour les jouer avec quatre bons trèfles derrière. Je maintiens d’ailleurs cet avis après mes différentes discussions, car c’est la seule information vraiment critique : avec les autres options, on peut passer, il ne nous arrivera pas grand-chose.
En face, Anne-Laure joue la sécurité avec :
et me fitte à 3♠, puis pose le blackwood après avoir entendu la présence du contrôle trèfle.
Seule l’entame carreau battait le coup et je réalise tranquillement 12 levées sur l’entame normale à trèfle (personne n’était bien sûr de la signification de mon surcontre…), + 1430. Pour l’anecdote, à 2♣XX, j’aurais fait 9 levées et marqué +1160.
Nous gagnons la première mi-temps de 20 Imps, 37-17. En deuxième mi-temps, mes adversaires sont Hervé Fleury – membre de l’équipe de France senior et capitaine lors de notre épopée victorieuse aux championnats du monde U31 cet été – et Laurent Thuillez, avec qui j’ai joué la DN1 par paires l’année dernière et membre de l’équipe de France mixte.
Ce segment n’a pas été le plus passionnant : nos adversaires ont marqué 13 en appelant un très bon 6♥ loin d’être évident à jouer, et ont reperdu 7 sur une erreur de système un peu plus tard. J’ai cependant raté une petite occasion de marquer des points sur la dernière donne :
Mon contre à 2♠ peut paraître un petit peu curieux avec trois atouts, mais c’est pourtant un massacre annoncé : les adversaires sont visiblement en 4-4, nous avons la majorité des points et l’opposition dans les deux mineures : le déclarant n’a aucune chance de développer des levées. Cependant, AL enlève mon contre ! Que se passe-t-il ? Pour prendre une telle décision, elle a sans aucun doute un singleton pique, et probablement le roi sec pour justifier son ouverture d’1SA. Sa distribution a l’air d’être 1354. A ce stade, l’enchère la plus raisonnable avec mon jeu est clairement de passer. D’une part, les carreaux sont derrière, et d’autre part, elle aurait bien pu dire 3SA elle même avec une main maximum. J’ai dit 3SA sans trop réfléchir et AL a chuté 3SA comme à une majorité de tables, alors que 3♣ gagnait sans problèmes.
Nous finissons avec -9 sur la mi-temps et donc +11 au total, ce qui nous rapporte 12,5 PV. Match 6 – Dupuis
Match 7 : Soulet
Cette journée du dimanche commence très mal pour moi, carj’ai des vertiges accompagnés d’une belle migraine. Moi qui suis très rarement malade, on peut dire que c’est un mauvais timing ! Je me rends comme je peux à notre match qui commence à 10h. Je suis motivé pour faire de mon mieux mais je sens que la journée va être longue…
J’affronte Christophe Oursel, mon entraîneur historique en juniors, et Franck Riehm, le président de la fédération. Ils font partie de l’équipe Soulet, qui a légèrement évolué depuis son titre l’année dernière. Ils sont pour l’instant 4èmes, juste devant nous.
Sur la toute première donne, Anne-Laure doit prendre une décision difficile :
Elle possède le bijou suivant :
La situation est compliquée, car on a très peu d’informations sur ma main : je n’ai pas de majeure 6ème, sinon je l’aurais nommée sur 4♦, et j’ai une main de troisième zone au moins. Pour le reste, c’est comme ça vient quand j’ai autant de jeu… Il se peut que 5♦ et 5♥ gagnent, mais aussi que les deux contrats chutent de 2 ! Anne-Laure choisit vaillamment la surenchère, quand la paire Lévy/Mauberquez va rester à 5♦X de l’autre côté. 10 Imps pour nous quand 5♥ chute d’une mais que 5♦ gagne.
La partie se passe plutôt bien et nous avons quelques autres coups qui pourraient nous rapporter des points, mais je vais rater une entame sur la donne suivante.
Je possède :
J’analyse rapidement le coup et ma distribution semble pouvoir embêter le déclarant : les carreaux pourraient bien être 4-1 et il aura besoin de couper deux piques pour les affranchir. Je choisis donc l’entame coeur, qui est particulièrement neutre.
a vue de RT8 de trèfle m’emplit de joie, mais elle est de courte durée quand je vois le déclarant jouer ARD de coeur pour défosser deux trèfles… Avec le recul, mon analyse n’est pas mauvaise, mais l’entame trèfle est également très peu risquée : pour que ce soit mauvais, il faudrait un honneur 3ème au mort en plus des intermédiaires nécessaires. En revanche, elle a plus de chances de rapporter gros ! Dans la salle, 5 joueurs ont entamé trèfle et 3 coeur à 6♦, mais je n’ai pas la connaissance de toutes les séquences. J’ai cru comprendre que Baptiste Combescure et Michael Klukowski , avec la même séquence d’enchères, ont respectivement entamé trèfle et coeur.
Malgré ce coup de 10 perdu, nos partenaires ayant joué et gagné 4SA, nous remportons ce premier segment 48-14 ! Après discussion avec mes coéquipiers, je ne vais jouer que le premier et le dernier segment du jour, en espérant aller mieux d’ici là.
En deuxième mi-temps, mes partenaires vont gonfler le score de 10 Imps supplémentaires et nous marquons 17,4 PV sur le match, évidemment une excellente opération. Match 7 – Soulet
Pendant ce temps là, je somnole sur un canapé, et Margaux en profite lâchement pour m’équiper d’antennes d’abeilles.
Match 8 : Roth
Pour ce dernier match du week-end, nous affrontons l’équipe Roth. C’est une équipe qui est montée de DN2 et qui joue le maintien, avec une bonne réussite pour le moment car ils sont 7èmes. Mes coéquipiers vont solder la première mi-temps par une égalité, avant mon entrée en jeu. Je ne suis toujours pas en forme, mais c’est déjà moins critique que ce matin. Nous affrontons Alexandre Kilani et Philippe Chottin, une forte paire intergénérationnelle qui a débuté il y a quelques années.
Le début est plutôt positif pour nos adversaires, Alexandre Kilani encaissant notamment une ouverture atypique d’1SA qui lui apporte une bonne partielle.
A la 4ème donne, ma main est la suivante :
Et ma partenaire ouvre de 2SA ! Il est clair que nous allons jouer un chelem, mais lequel ? Voici le début de notre séquence :
Nous avons toutes les clefs, faut-il prospecter le grand chelem ? La réponse est clairement oui, puisque même avec seulement 17 points, je pourrais être favori pour faire 13 levées (♠Rx ♥ADx ♦Axxx ♣Axxx). Pas le choix, je dis 5SA et ma partenaire répond 6♣. Elle se trouve dans une situation un peu compliquée, puisqu’elle ne sait pas bien ce que sont des bonnes et des mauvaises cartes dans la contexte, et que 6♣ est la seule enchère disponible avant 6♦. Je ne pense donc pas que ça montre spécifiquement le roi de trèfle, mais plutôt une main agréable, avec plutôt un 9ème atout et plutôt des rois que des dames (oui, c’est très flou). Je poursuis le dialogue en disant 6♥, puisque je me pense pas en danger à 6SA. Cette enchère devrait montrer le roi de coeur et pourrait l’aider à juger ses points dans cette couleur. Bingo ! elle conclut à 7♦ et le grand chelem est d’excellente facture (les carreaux 3-1 suffisent à notre bonheur, le pique partant sur le coeur).
Quelques donnes plus tard, nous retombons dans des péripéties au palier de 6. Je suis en face de l’ouverture d’1♦, avec :
J’hésite un petit peu entre une proposition et une imposition de manche et je me laisse finalement tenter par la deuxième possibilité. Ne jouant pas de SMI (Système Mineur Inversé), je dois répondre 2♣, et je prolonge la réponse de 2SA de ma partenaire à 3SA (5♦ paraissant vraiment lointain). Vient alors la surprise, l’enchère de 4SA, qui montre une main de 18-19. A première vue, j’ai une enchère de passe, mais un détail attire mon attention : Anne-Laure a préféré l’enchère de 4SA à l’enchère de 4♣, elle devrait donc posséder 2 cartes à trèfles seulement. En face d’un (43)42, ma main peut tout à fait gagner 6♦, par exemple associée à ♠RVxx ♥ARx ♦A1084 ♣A5, et le chelem serait encore bon avec 0 points à pique. Je finis par sélectionner l’enchère de 5♦, qui montre une main fittée, distribuée et minimum, ayant envie de jouer le chelem en face d’une jeu rempli d’as et de rois. Je suis terrifié quand je vois le plateau revenir à 6SA, puisque je n’ai absolument pas le matériel nécessaire pour gagner un chelem sans faire de coupes. L’entame de la dame de pique de mon adversaire me donne de l’espoir : nous n’avons pas de points perdus à pique. Anne-Laure joue quelques tours de carreau puis trèfle vers le roi… qui fait la levée. Ouf ! Un chelem qui rentre sur une impasse indirecte !
Je trouve ce 6SA assez exagéré, je pense qu’elle aurait pu se contenter de 5SA. Mais, comme vous avez déjà pu le constater, Anne-Laure ne vient pas en DN1 pour ne pas déclarer des chelems !
Malheureusement je concède un 3SA vulnérable en milieu de partie à deux reprises, une première fois en lisant mal le carreau préférentiel d’Anne-Laure alors que je connaissais toutes les cartes de la couleur ET que j’étais concentré spécifiquement là-dessus. Puis une deuxième fois quand je donne au déclarant Alexandre Kilani l’opportunité de gagner en lui offrant une communication qu’il n’avait pas, alors que je connaissais les 4 jeux… Une belle pitrerie qui me coûte 14 Imps.
Score final, +2 Imps et 10.5PV. Heureusement que nous avons gagné ce chelem sur une impasse ! Match 8 – Roth
Je suis content que ce week-end se termine, j’ai vraiment la tête dans le sac. Le bilan est plutôt positif, et nous sommes 5èmes, tous proches d’une potentielle qualification. Il va falloir être bon le dernier week-end, les 4 et 5 novembre !
N’hésitez pas à me laisser des commentaires si vous avez des suggestions, des questions ou des remarques, que je lis avec attention, et à très bientôt 🙂
Troisième week-end de compétition
Actualités du 15 novembre 2023
Après un début honorable, nous pointons à la 5ème place du classement avant d’attaquer nos 3 derniers matchs. Ces deux dernières années, le dernier week-end nous a été très favorable et nous espérons bien que cette édition ne fasse pas exception. Le classement est très serré – presque tout le monde peut encore prétendre au top 4 à ce stade et il va donc falloir faire une belle performance !
Match 9 : Mme Bessis
Comme lors des deux premiers week-ends, nous sortons pour la première mi-temps et cette fois ci, nous entrons en piste en étant menés d’un petit point.
Nous affrontons Danièle Avon et Olivier Beauvillain, deux joueurs très expérimentés des DN, où ils jouent depuis de nombreuses années avec divers partenaires.
La première donne est agréable, puisque nos adversaires s’égarent à un nébuleux contrat de 5♣, poussés par nos barrages agressifs qui ont atteint 4♦. Le contrat chute de 2 et alors que nous, dans notre ligne, n’avions rien à gagner.
Sur la troisième donne, je relève
J’ai ici le choix entre un simple soutien à 3♦, ou un contre d’appel, orienté vers les majeures. J’ai opté pour le simple soutien à 3♦, car si ma partenaire a un surplus de jeu et une majeure 4ème, elle pourra toujours la nommer, pas de risque « d’empaillage ». En revanche, il peut être délicat de répondre au contre d’appel sans majeure 4ème ni 6♦, et les zones risquent d’être floues. Par exemple, que doit-on faire face à contre avec ♠A7♥RD8♦R10432♣D75 ? Après mon fit, la séquence continue ainsi :
Les adversaires sont désormais à 3SA ! Ils comptent sur leurs levées de trèfle pour faire 9 levées rapides. Je ne sais pas si le contrat est réalisable, mais je contre « Lightner » pour indiquer une entame alternative à notre couleur de fit. Je ne suis pas sûr de la signification, et j’espère surtout que les adversaires vont prendre peur et s’échapper de ce contrat qui ne me plaît pas du tout.
Je peux maintenant passer, la paix dans l’âme avec le sentiment du devoir accompli ! Le contrat en reste là, pour deux de chute. 3SA chutait également, d’une sur entame carreau et de deux sur une autre entame. Si vous changez RD de coeur par l’as, c’est une autre histoire !
Sur la 5ème donne, ma partenaire ouvre de 3♣ en 1er avec une vulnérabilité favorable, Danièle Avon contre, et je possède une main très faible :
Il est très probable que mes adversaires possèdent un petit chelem dans leur ligne, voire un grand chelem dans une des couleurs rouges. Avec une telle vulnérabilité, c’est le moment de gêner le bon déroulement de la séquence adverse et je glisse 3♠. Les cartons rouges commencent à pleuvoir mais une enchère de 5♦ finit par arriver sur la table, corrigée à 5♥ ! Malheureusement, comme une forme de rançon du succès, Anne-Laure qui doit espérer un peu plus chez moi, contre après deux passes et nous jouons 5♥ contrés.
Danièle Avon réalise 11 levées, en abandonnant un trèfle et un pique –n’ayant pas joué pique vers le 8-. Je jette un œil aux 4 jeux et constate que l’on peut réaliser 12 levées à cœur ou à SA, même sans trouver les piques, via un squeeze remise en main sur Est. On risque donc de perdre 5 ou de gagner 13 !
Olivier Beauvillain, qui n’était pas en forme depuis le début de la mi-temps, doit malheureusement céder sa place, et Véronique Bessis le remplace.
Sur la donne suivante, j’ai un problème d’entame. Voici la séquence de mes adversaires :
Je possède :
Analysons la séquence : Sud a montré 6 bons carreaux, avec une main minimale puisqu’il était possible de sauter à 3♦ au tour précédent. En Nord, on a sauté à 5♦ sans s’enquérir de la présence d’un arrêt dans la dernière couleur via l’enchère de 3♥. Je visualise donc plutôt une courte à cœur et un bon fit carreau dans une main très minimale, par exemple ♠A1082♥5♦Q85♣AQ854.
J’ai donc une main pénible pour mes adversaires, avec une solide opposition trèfle, et je pense que le contrat va chuter naturellement, sans exploit. J’entame donc atout, et c’est le drame :
11 levées, à la bataille, il fallait entamer dans une majeure ! Ce n’était pas tout à fait ce que j’imaginais au mort…
La fin est plutôt bonne pour nous : nos adversaires perdent 800 à 5♣X contre notre manche majeure à 620 suite à une intervention particulièrement agressive, et nous faisons chuter 3♣ sur la dernière donne de manière particulièrement improbable.
Stéphane et Pierre ramènent une bonne feuille et nous gagnons la mi-temps de 25 Imps, soit presque 15 Pvs. Nous basculons à la 4ème place avant les deux derniers matchs !
Au moment où j’écris cet article, les diagrammes ne sont pas accessibles sur le site de la fédération, mais vous pouvez tout de même voir les scores. Match 9 – Mme Bessis (onglet 2e mi-temps)
Vous pourrez retrouver les diagrammes sur la retransmission BBO si vous le souhaitez.
Match 10 : Bessis
Après la mère, le fils Bessis 🙂 Nous finissons ce samedi par une équipe très hétérogène: la première paire est composée de Cédric Lorenzini et de Thomas Bessis qui est considérée par beaucoup, moi y compris, comme la meilleure paire française open et parmi les meilleures paires mondiales. La deuxième paire est également une solide paire au niveau international : l’irlandais Tom Hanlon et Frédéric Volcker, qui jouent ensemble régulièrement et depuis quelques années maintenant dans les championnats transnationaux. Enfin, la troisième paire est constituée d’Irene Baroni, championne italienne, et de Romain Zaleski, le sponsor de l’équipe. Mis en difficulté dans la compétition ils ferment le butler. Au début du week-end, ils avaient besoin d’un petit miracle pour se qualifier et ils ont bien commencé leur mission avec une grosse victoire au tour 9. Ils pointent désormais à la 6ème place, 13PV derrière nous. Malheureusement pour nous, ils ont décidé de présenter leurs deux meilleures paires, ce qui laisse imaginer un match très difficile ! Anne-Laure et moi jouons le premier segment contre Frédéric Volcker et Tom Hanlon. Je connais un petit peu Frédéric mais pas du tout Tom, si ce n’est qu’il adore poser des blackwoods très rapidement dans les séquences !
Après 5 donnes bien négociées de part et d’autre, la 6ème donne va nous être favorable :
Après ce début de séquence, Anne-Laure va limiter le dialogue adverse avec une intervention très agressive à 3♦, munie de ♠DV7♥V9♦A96543♣86
Après un passe forcing de part et d’autre, nos adversaires ne parviennent pas à appeler l’excellent chelem. Pas facile du tout sans espace : les mains sont minimales mais vont très bien ensemble.
La donne suivante n’est malheureusement pas aussi enthousiasmante pour nous : Anne-Laure choisit de faire une misère dorée en face de mon ouverture d’1SA avec ♠D8765♥3♦A98654♣5. J’ai une main exécrable en face, avec les deux rois en face des courtes et seulement deux piques, mais le placement très favorable des cartes permet de gagner la manche.
Le fond de notre partie va rester plutôt bon, jusqu’au deux dernières donnes : sur la donne 12, nos adversaires font une excellente entame suivi d’un excellent flanc pour battre 2♠.
Pour finir, la donne 13 va nous coûter plus cher . Je dois entamer dans la séquence :
J’ai la main suivante :
Je n’ai pas de raison de faire une entame agressive et il est clair d’entamer un carreau, mais lequel ? Le 10 a l’avantage d’être plus lisible, mais il peut coûter des levées en donnant des positions d’impasse au 9 avec 4 carreaux au mort. Je finis par choisir après réflexion d’entamer le 5, puisque c’est visiblement moi qui reprendrai la main, grâce à mon as de coeur et à mon roi de pique : autant s’appliquer pour ne pas filer de levées.
Mon entame du 5 ne pose aucun problème à jeux ouverts, mais quand Anne-Laure prend la main à l’as de carreau, elle n’imagine pas que je puisse avoir 10953 et pense que je suis singleton ou doubleton. Rejouer carreau est à 100 % dans ce cas, et c’est le drame quand les deux coeurs du déclarant s’envolent : 4♠=.
Notre feuille est finalement assez médiocre et n’est pas compensée par Marion et Donatella, qui reviennent avec du bon (le chelem sur la 6) mais du mauvais aussi (un surprenant -1100) et nous sommes menés de 11 points à mi parcours.
Nous changeons d’adversaires à la mi-temps et nous retrouvons cette fois-ci contre Thomas Bessis et Cédric Lorenzini. Après une première donne banale, je relève :
En face d’un contre d’appel de ma partenaire au palier de 3, je ne peux pas vraiment avoir mieux dans le contexte. Je compte clairement jouer la manche, mais à pique ou à trèfle ? Je n’ai pas de certitudes. Je produis donc l’enchère de 4♦, qui devrait montrer une main maximale à base de trèfles, vu que j’ai déjà dénié le fit pique.
Me voilà de nouveau sur la sellette. Que comprendre des nouvelles enchères sur le plateau ? Tout d’abord, Cédric Lorenzini doit avoir une main faible avec 4♦ et 3♥, et n’a pas voulu faire de saut tout de suite pour éviter que son partenaire n’aille jouer un chelem. Ensuite, Anne-Laure a dit librement 4♠ : elle a sans doute 6 bons piques, dans une main minimale car elle aurait aussi pu faire un passe forcing. Deux questions pour moi désormais : Faut-il jouer le chelem et faut-il jouer à pique ou à trèfle ?
Essayons de voir des mains possibles en face : ♠AR8765♥A85♦4♣R87 ? On table le chelem, mais 4♠ ne semble pas correspondre, il y a un peu trop de jeu et les piques ne sont pas terribles. J’en arrive à la conclusion que le chelem ne devrait pas être raisonnable. Je vois plutôt quelque chose comme ♠AR10865♥RD5♦4♣R87. Dans ce cas, je peux aussi bien jouer 4♠ que 5♣. Je finis par prendre ma décision en visualisant ♠AR10865♥R5♦4♣R872, où 4♠ me semble le meilleur contrat, et je finis par passer.
Il s’avère au final que le chelem à trèfle gagne sur une impasse, mais que les adversaires ont une très bonne défense, difficile à trouver néanmoins. Compliqué d’établir un pronostic !
La donne qui suit va être très mouvementée :
J’ai la main suivante et un nouveau choix binaire :
Je dois choisir ma partielle : soit passer 1SA, soit dire 2♣ relais pour passer la réponse obligatoire à 2♦ par la suite. Je choisis d’aller jouer 2♦ car j’ai peur des trèfles à SA, et que je suis plutôt enthousiaste à l’idée d’encourager un réveil vulnérable à 2♥/2♠ chez mes adversaires.
Voilà qui n’était pas prévu ! J’ai assez pleutrement passé, mais j’aurais dû sortir le surcontre. En effet, je suis maximum, avec aucun point à pique devant les piques adverses, et surtout avec AV de carreau visiblement devant RDXx. En effet, avec 5 cartes à carreau, Thomas Bessis serait intervenu au premier tour, et on ne voit pas bien avec quelle autre teneur il pourrait bien contrer 3♦.
Je devrais donc probablement gagner mon contrat : en tous cas la chute de 2 est exclue et perdre 200 à la place de 100 ne serait pas une grosse perte.
Anne-Laure fait 9 levées sans difficulté et nous marquons 470 dans la colonne, ce qui est évidemment un très bon coup.
Deux donnes plus tard, j’ai encore une décision très difficile.
Voici mon jeu :
J’ai un choix très délicat, cette fois j’ai 3 options: je peux passer, tenter ma chance à 2♠ ou aller jouer 3 dans la mineure du partenaire. J’avoue ne pas avoir la moindre idée du bon choix statistique, mais je finis par dire sans conviction 3♣ (passe ou corrige), qui devrait être bon si le partenaire a 5♣ ou 4♦.
Bilan : l’enchère qui tombait le mieux était 2♠, 3♣ gagnait tout de même un peu par hasard, et 2♥ tournait au vinaigre. J’ai évité le pire !
Quelques donnes plates passent, puis arrive la 23 :
Il s’avère que j’ai 19 points d’honneur dans ma main :
Alors certes, c’est beaucoup quand mes adversaires jouent 3SA, mais je n’ai pas de garanties de faire chuter. Surtout que cette enchère de 3SA est suspecte et pourrait me réserver des surprises…
Je choisis d’entamer l’as de pique, car j’ai bien l’impression que Thomas Bessis est singleton et je ne vois pas bien comment battre le contrat s’il a deux petits et que le mort a RVxxx. Peut-être que je pourrai donner la main à Anne-Laure pour traverser à carreau ?
Je continue de la dame de pique, qui est pris du roi par le déclarant alors que le valet tombe de sa main. Il réfléchit ensuite une dizaine de minutes avant de jouer cœur vers son valet, Anne-Laure fournissant le 9.
Assez peu alerte, je rejoue la dame de carreau en me disant que j’assure tranquillement la chute. Sauf que Thomas prend du roi, tire l’as de cœur puis le roi… et qu’Anne-Laure défausse un pique après avoir fourni le 4. Je réalise alors que je vais subir un squeeze remise en main et mon rythme cardiaque s’emballe quelque peu ! C’est le moment de se reconcentrer, mon adversaire ne voit pas à travers mes cartes et il ne faut pas qu’il comprenne leur position. Ce qui me paraît le plus évident est qu’il ne sait pas que j’ai le dernier pique. Si j’assèche mon roi de trèfle, puis jette un carreau, il devrait penser que j’ai un trèfle de plus et un pique de moins. Dans ce cas, il peut sortir à carreau pour me faire livrer le roi de trèfle.
La position réelle :
La position que je veux que le déclarant joue :
Après quelques secondes interminables, Thomas Bessis sort… d’un petit trèfle et je table le reste. J’ai eu chaud.
Après deux donnes plates, Anne-Laure tente quelques expérimentations sur la dernière donne, à l’enchère et à l’entame. Elles ne sont pas couronnées d’un franc succès : nous tablons 2♠ et nos adversaires gagnent tranquillement 2♣.
Pierre et Stéphane sortent également avec une feuille moyenne et nous ajoutons 2 Imps à notre déficit, pour marquer au final 7PV. Curieusement, nous avons gagné une place et sommes désormais 3èmes. Avec 7 points d’avance sur la qualification, nous avons notre destin entre nos mains pour atteindre les demi-finales !
Le match : Match 10 – Bessis (onglet 2e mi-temps) – Les diagrammes
Match 11 : Lhuissier
Pour ce dernier match, nous affrontons l’équipe Lhuissier. Elle faisait partie des favoris pour le top 4 et tient clairement son rang à ce stade, puisqu’elle est deuxième avec 1PV de plus que nous. Nous serions tous bien contents d’avoir des donnes plates et de se quitter bons amis sur un match nul ! Pour ajouter un peu de pression, notre match est retransmis sur BBO. Nous ne jouons que la deuxième mi-temps avec Anne-Laure, et nous nous asseyons avec un déficit de 9 Imps. Nous affrontons Julien Bernard et Nicolas Lhuissier, une des meilleurs paires françaises, qui fait partie du groupe Open et que je connais bien.
J’ai une première décision difficile sur la troisième donne :
Ma main est évidemment très forte, mais j’ai deux indicateurs qui me poussent à passer. D’une part, mes adversaires sont vulnérables et l’ouverture d’1SA ne devrait pas venir de 13 points et une mineure 6ème. D’autre part, Anne-Laure réveille dans cette position avec tout ce qui passe dès qu’elle a un singleton. Je finis par passer, la mort dans l’âme, et ma partenaire fait 8 levées (après que) nos adversaires n’ayant pas trouvé le meilleur flanc ! Effectivement, elle n’avait pas grand-chose 🙂
Sur la donne suivante, nos adversaires vont faire preuve d’un excellent jugement pour appeler un excellent 6♣ dans des conditions très délicates :
L’enchère de Nicolas Lhuissier est courageuse et a été produite après une longue réflexion. Pour gagner, il lui faut trouver l’as de pique, le singleton coeur et le roi de trèfle 5ème (ou RD 4ème). Les trois sont très probables pris isolément, mais le cumul est beaucoup moins clair !
Le reste du segment n’était pas palpitant, mais Anne-Laure a pris quelques bonnes décisions tendues sur des marques partielles qui nous ont permis de glaner quelques Imps des 2 côtés. Grâce à cela, nous comblons nos 9 Imps de retard et terminons sur un match nul, qui nous permet de terminer 3ème ! Vous trouverez le segment complet ici.
Nous sommes évidemment très heureux d’être parvenus à ce résultat et défendrons nos chances en demi-finale contre l’équipe Zimmermann, qui pouvait en tant que premier choisir son adversaire entre le 3ème et le 4ème. Il semblerait que nous ayons des têtes de victimes idéales :). C’est en effet une grande première pour tous les membres de l’équipe à l’exception d’Anne-Laure, qui a déjà réussi deux fois cette performance.
Voici le classement final :
La qualification s’est littéralement jouée à 1 Imp entre l’équipe Setton et l’équipe Soulet, qui s’affrontaient au dernier match. C’est toujours dur à vivre pour les perdants…
Je vous remercie d’avoir suivi mes aventures lors de ces trois premiers week-ends, On se retrouve en janvier pour les demi-finales. N’hésitez pas à laisser un commentaire, je les lis tous et répondrai si vous avez des questions !
Que pensez-vous de cet article de Luc Bellicaud ?
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Très bon article
Hâte de suivre Babane et son équipe
je vais vous suivre sans relache!
Belle présentation, on va suivre …. intensément !
Je vais suivre avec intérêt ces belles équipes
A suivre, bien sûr !
Hâte de suivre cette compétition !
Bravo, ça fait du bien aux petits joueurs de mon espèce, qui veulent progresser.
Et la DN4?
La DN4 se joue dans les ligues pas en finale directe.
satellite
Subjuguée par les résultats du jeune Léo Rombaut….;BRAVO !!s
Donnes excentriques et passionnantes.
Mais l’événement est ailleurs (pardon d’être un peu lourd) : une renonce en DN1 !!! On imagine l’air consolateur de la partenaire…et le rouge Bellicaud. C’est bien de l’avoir raconté, quelle classe !
Bonne chance !
Merci de partager tes impressions Luc !
Bel article et bonne chance !
Bravo Luc, commentaire très intéressant, on a l’impression de vivre la compétition de l’intérieur, et les donnes sont bien choisies. Bonne continuation !
merci pour ces analyses concises et intéressantes.
Excellent
Excellent article mais une interrogation sur le team Zimmerman. Quel intérêt de concourir dans autant de pays? L’édito de Philippe Cronier dans Bridgerama de septembre m’avait déjà étonné .
Qu’est ce qui se cache derrière cette ambition ?
Sous l’intitulé Présentation des DN, Luc essaie de nous expliquer le fonctionnement du « bazar ». Pour mieux comprendre, j’ai essayé de lire le Règlement National des Compétitions – 120 pages, 208 articles et j’ai réussi à m’endormir rapidement en quelques minutes !
Suis-je le seul à ne pas tout comprendre ?
C’est très courageux mais le règlement des compétitions n’est pas vraiment fait pour être lu ! Pour faire simple cette année en DN1, finir dernier ou avant dernier fait jouer un barrage contre les 5èmes et 6èmes de DN2, et finir dans les 4 premiers permet d’accéder aux KOs.
En cette année de refonte des DN, on pourrait aussi renommer le dernier niveau (DN2 Paire Mixte, DN3 Paire Open, DN4 Quatre Open) en DL, Division Ligue, pour mieux coller à la réalité des territoires.
Dans la foulée, les zones de la Coupe de France, à la connotation de banlieue bigarrée, pourraient devenir des REGIONS. On éviterait se sortir de la zone pour jouer en finale, qui ne commence qu’aux huitièmes. Mais rien n’empêcherait les vainqueurs régionaux de s’affronter dans un Top 16 national.
GRAND MERCI A LUC pour ses commentaires. On en redemande!
bravo pour ces articles… un régal à lire. Merci
Merci 🙂
Oui,merci pour cet article très intéressant
Vivement le prochain
Merci à Luc de nous faire vivre « de l’intérieur » la compétition.
Le blog funbridge me semble être le meilleur support pour nous informer en général sur la vie du bridge. Merci et continuez.
A bientôt pour l’épisode final.
François
Très bien commenté, on en redemande…
Très pédagogique, merci et bravo
Bravo pour ce très bon résultat et merci de ces articles très intéressants.
Pour le match 9 , Madame Bessis je n’arrive pas à reconstituer le squeeze rendement de main possible à 6coeurs ou 6Sa pour la deuxième donne présentée. N’est ce pas une manoeuvre de guillemard plus impasse trèfle ? La chicane carreau semble rendre inopérante la menace dans cette couleur ?
Ah si en jouant d’abord 5 coeurs puis trois piques très joli
Ces articles sont à la fois très vivants (on s’y croirait) et très techniques avec de belles analyses si utiles pour nous les sans grades . Merci, continuez, on en redemande